La lettre d'une Wavrienne


Riveraine du futur contournement nord de Wavre, je ne me serais jamais engagée dans une lutte contre un projet de route qui détruira si irrémédiablement mon cadre de vie, sans en étudier l’intérêt public. C’est ainsi, après avoir âprement mesuré le pour et le contre, que je suis devenue experte de mon sujet : l’opportunité du Contournement nord de Wavre, pour qui ? Pour quoi ?
Mes convictions que ce CNW est coûteux, inutile et destructeur, se sont raffermies au contact des différentes associations citoyennes réunies en la Plateforme CNW qui, par leur travail acharné, minutieux, désintéressé, et militant ont fait valoir, non seulement la qualité de notre patrimoine commun, mais aussi l’importance de se mobiliser pour le préserver. Il s’est, enfin, encore confirmé au contact de la population wavrienne rencontrées sur les marchés wavriens durant toute l’enquête publique, qui a accueilli nos idées avec un enthousiasme non dissimulé.

Lors de la séance d’information de mercredi 12 décembre, à Wavre, Monsieur Jadot nous a tenu un discours typiquement « libéral ». Wavre est irrémédiablement amené à se développer, non seulement sur le plan de l’économie, mais aussi sur le plan démographique. Se développer signifie plus de voitures, plus de mouvements, plus de constructions, de béton, le sacrifice de nos espaces verts, etc. Peut-on aller contre le progrès ? Peut-on aller contre le développement ? Non ! Vu de la sorte, il n’y a pas d’alternative et notre combat est un combat simplement nostalgique et régressif ! Mais, contre ces arguments - qui font de nous des gens qui rêvent- il y a toute la prise de conscience de plus en plus impérieuse et généralisée que ce « développement » nous conduit droit dans le mur, qu’elle est une impasse en terme de mobilité, de pollution, de destruction de l’environnement, de stress, de fracture sociale, etc. Les gens ont conscience que ce développement anarchique n’est plus synonyme de bienfait. Ils sentent désormais dans leur chair, quotidiennement, que leur qualité de vie est amoindrie par les effets pervers de ce développement et qu’il faut effectivement faire marche arrière sur certains points. On ne peut plus envisager de nouvelles constructions sans prendre en compte la vie et les déplacements des habitants, on ne peut plus construire des zonings sans organiser la mobilité qu’ils engendrent. Pour Wavre, ce Contournement nord vient trop tard. Il est peut-être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les wavriens étouffent. Ils ne comprennent plus en quoi ce développement est impératif. Il est devenu bien plus impératif, aux yeux de la population d’entrer dans une logique de réparation et de conservation. Alors, si, concrètement, on veut encore accueillir plus d’habitants et d’emplois sur Wavre (le zoning en prévoit 3100), on doit se demander comment les accueillir mieux, tout en réparant déjà les dégâts d’une circulation débridée.

Bien sûr, le CNW permettrait de « répartir » les voitures actuelles et de dégager des voies d’accès pour des voitures supplémentaires. C’est là toute sa logique. Mais, créer un CNW, c’est dire qu’il y a encore de la place ! C’est affirmer qu’il est raisonnable de faire circuler sur un espace restreint plus de 12.000 voitures individuelles (5.000 travailleurs rien que dans GSK). Répartir les voitures, ce n’est pas les éliminer. Et le problème, c’est qu’il y en a déjà trop.  On peut aussi transformer Wavre en une grande autoroute !

Les promoteurs du projet veulent, en outre, faire croire que le CNW ferait d’une pierre deux coups et améliorerait la mobilité dans le centre de Wavre. Mais, cela semble contradictoire avec l’idée même qu’il est là pour faire face à l’épreuve d’une nouvelle phase accrue de développement. Et les Wavriens ne sont plus dupes. Leur dire que le CNW pourrait avoir des effets bénéfiques sur le centre de Wavre, c’est leur mentir. Seule une gestion de la mobilité dans le centre de Wavre pourrait régler ses problèmes d’engorgement. Que l’on mette des parkings de découragement, que l’on ferme le centre, et que l’on organise des systèmes de navettes… !  Bien sûr, si l’on ferme le centre, l’idée s’imposera qu’il faut « contourner » Wavre, nous rétorquent certains. Oui, mais, en réalité, avec la RN25, la E411, et la N257 nous avons déjà ce « contournement » du centre ; il n’y a aucune raison qu’il soit complet. D’ailleurs un coup d’œil un peu averti montre qu’aucun wavrien n’empruntera cette route pour sortir ou entrer dans Wavre. 

En parlant de dégager le centre de Wavre, certains entendaient aussi, soulager les rues parallèles à la E411 qu’il est possible de traverser pour se rendre, du sud au nord de Wavre, jusqu’à GSK. On avait, en effet, promis aux habitants des rues Matagne, chaussée d’Ottembourg, rue du Tilleul, rue de Chermont, que le CNW les soulageraient d’un « trafic de transit » que les automobilistes  venant de l’Est créaient pour se rendre directement vers Bruxelles. C’était la justification que les experts du PSR de Wavre nous assénaient, en 2004, pour construire le CNW. Oui, mais c’était avant la construction de la RN25. Aujourd’hui, les voitures venant de l’Est sont invitées à contourner le Centre de Wavre pour rejoindre la E411 via la RN25. Si elles ne le font pas, c’est que soit elles ont quelque chose d’impérieux à faire à Wavre, soit elles ont effectivement peur de tomber dans les embouteillages de la sortie 5 de Bierges. Mais c’est donc bien parce qu’il y a trop de voitures qu’elles cherchent les chemins de traverses et non parce que le chemin est le plus court. Que ce trafic de transit venant de l’Est n’existe plus de manière significative, a été démontré dans le Plan de mobilité de Wavre, par les comptages CORDON, qui ne dénombraient que 85 voitures utilisant vraisemblablement cet itinéraire comme transit. Il est étonnant que l’étude d’incidence se taise à ce sujet. Elle nous dit, au contraire (p. 205) que « la phase de diagnostic du PCM de Wavre n’étant pas encore rendue publique, les résultats détaillés des comptages ne sont pas présentés dans la présente étude. Ils seront néanmoins particulièrement utiles dans la détermination des incidences du projet de contournement sur les flux de circulation sur les voiries de l’aire géographique d’étude ». C’est pour le moins étonnant.

Si ce trafic venant de l’Est pouvait (avant la construction de la RN25) justifier la construction du CNW comme « route structurante », il n’en est plus de même aujourd’hui. Non seulement les voitures venant de l’Est viendraient buter et se perdre dans un trafic propre à un zoning - une telle route ne pourrait pas être  « structurante ». Mais de plus, les voitures venant de l’Est viendraient se confondre et se confronter aux voitures qui quitteraient l’autoroute dès Louvrange pour arriver à GSK par le CNW. C’est, dans ce cadre, la réalisation de la boucle complète du CNW qui devient problématique pour ce trafic trop abondant.

Que pouvons-nous en effet attendre de cette boucle complète du CNW ? Certes, elle permettra certainement provisoirement un soulagement de la sortie n°5 à Bierges. Mais, nous retrouverons ces voitures de l’autre côté ! L’étude d’incidence parle de délester 850 voitures par heure (en heure de pointe) sur la sortie Bierges et d’admettre 1189 voitures par heure (en direction de GSK) sur le CNW. Mais elle dit par ailleurs que la N257 (2 bandes) est complètement bouchée à partir de 1200 voitures/heure ! Nous devrons donc nous attendre à un véritable engorgement sur le CNW  et des remontées de files aussi longues que sur la N257 c’est-à-dire jusqu’au viaduc qui surplombera la chaussée de Louvain ! Peut-on, dans ce cas, penser que les automobilistes se montreront plus courtois et éviteront de passer par les petites rues du centre de Wavre ? Bien sûr que non. Ils continueront à prendre les chemins de traverse et encombrer nos rues ! L’étude d’incidence prévoit d’ailleurs très raisonnablement que le CN ne soulagera ces axes que de 20%. Mais, 20%, c’est tellement en dessous de ce qu’espèrent les wavriens, qu’il est vraiment malhonnête de les bercer d’illusions concernant le CNW.

J’en conclus donc qu’il ne faut surtout pas réaliser la boucle complète du CNW qui constitue un véritable « détournement » de la E411 et de son rôle qui est de drainer la circulation. Nous avons, au sein de la plateforme, proposé des solutions pour améliorer encore les performances de l’autoroute et de l’entrée n°5. Créer le CNW, c’est permettre aux voitures de contourner Wavre, comme on contourne un problème, pour le situer ailleurs, mais en détruisant toute une zone remarquable. A ce titre, créer le CNW, c’est en réalité « déstructurer » le réseau routier qui est pourtant particulièrement dense en Belgique. C’est, subordonner une structure urbaine à une structure routière.

Ainsi que l’explique Monsieur Tacheron (Bureau d’étude Agora) lui-même dans un article du Soir du 14 novembre 2017, nous ne pouvons plus améliorer la mobilité par des infrastructures de grande envergure telles que le CNW. « Fluidifier le trafic, c’était le rêve de nos ancêtres » explique-t-il. Contre l’engorgement de zones excessivement encombrées, il n’y a que la solution des déplacements collectifs et alternatifs à la voiture. Toute notre attention et nos moyens devraient miser sur ces recherches d’alternatives. C’est d’ailleurs là peut-être que se trouve l’emploi. Utiliser l’argent de la collectivité et plus particulièrement le plan Marchal (en faveur de l’emploi) pour une route qui causera des dégâts irrémédiables sur l’environnement et donc l’impact en terme d’emploi n’est absolument pas avéré, est proprement scandaleux.

Si j’ai démontré que ce projet procède d’une logique éculée, je ne doute pas qu’une révolution des esprits soit déjà en marche. J’espère seulement qu’elle sera suffisamment perceptible pour enrayer définitivement ce projet.



 
Modèle several3 par Net-Tec Internet Solutions Adapté pour ViaBloga par Alexandre Fontenaille.