Détourner le débat et fluidifier l'indifférence

La musique n'adoucit pas les moeurs de tous les élus

Le collectif Calvin & Hobbes accueille Barkas, une vieille connaissance, pour ses chroniques.

Un jeune artiste wavrien Konoba a donné cette semaine un petit concert acoustique. Cela aurait été anecdotique si l’invitation n’avait pas été particulière[1]. Le jeune homme, dans un plaidoyer pour la préservation d’une magnifique zone naturelle de plus de 300 hectares s’opposait au projet du contournement nord de Wavre et invitait ses fans à assister gratuitement à son spectacle à condition d’amener 5 lettres signées s’opposant à cette nouvelle infrastructure.

Personnellement, je serais plutôt blues, mais j’apprécie quand un artiste s’engage, prend un risque, dans un dossier qu’il sait être épineux, parce que certains de ses concitoyens sont convaincus du bien-fondé de ce projet. Je n’entrerais pas dans la polémique des pour et contre, même si, pour ceux qui me lisent depuis longtemps, ils doivent se douter que je suis contre, comme tous les membres du collectif .

Ce qui m’interpelle ici, c’est la place faite aux voix dissonantes et aux citoyens en général.

Le vice-président du MR wavrien a publié un communiqué de presse pour dire son agacement. «Je souhaite rappeler à Konoba la définition d’un débat: discussion ou un ensemble de discussions sur un sujet, précis ou de fond, à laquelle prennent part des individus ayant des avis, idées, réflexions, opinions plus ou moins divergentes […] Je l’invite également à se rendre à la réunion d’information qui se déroulera ce mercredi à 20 h à l’hôtel de ville de Wavre.»[2] Mais comme le commentait le journaliste « Le vice-président du MR wavrien a-t-il dégainé trop vite? Si Konoba a bien dit vouloir aussi «discuter et débattre de la situation, et réfléchir à des solutions» à l’occasion du concert, l’intitulé de ce concert – «Non au contournement» – est sans ambiguïté. Difficile d’y voir une invitation à débattre. »

Pour qu’il y ait débat, encore faut-il être informé ou avoir la possibilité de l’être.

Ainsi quand un projet d'hôtel de 120 mètres déchaînait les passions à Wavre, nous pouvions lire ceci : « Ecolo et cdH qui dénoncent aussi la discrétion de l'enquête publique organisée fin 2016. Celle-ci n'a, notamment, pas été mentionnée sur le site web de la Ville de Wavre. Une attaque dont se défend Anne Masson : "La procédure a été respectée, il y a eu une enquête publique, l'affichage a bien eu lieu, mais la publication sur le site n'est pas obligatoire, c'est donc un faux débat"[3]. »

Quand une ville met à l’enquête publique un projet d’une telle ampleur, en ces temps numériques, il est normal, éthique, d’informer ses concitoyens via le site officiel de la ville.

Dans le cas qui nous occupe, le contournement nord de Wavre, le vice-président du MR renvoie ses concitoyens à une réunion d’information (technique s’il connaissait sa matière) qui se déroulerait à 20 heures. Pour le curieux que je suis, je suis allé sur le site communal qui annonçait « le mercredi 13 décembre, de 18 h 00 à 20 h 00 […] une réunion technique… ». Ignorance ou manipulation.

Pour trouver cette information sur le site de la ville, il m’a fallu chercher… Rien n’annonce sur la page d’accueil ce projet important pour les Wavriens. Par contre, on y apprend qu’un festival de magie aura bientôt lieu et que « La Ville de Wavre a fait le choix de développer la plateforme de participation citoyenne Fluicity sur son territoire pour favoriser la co-construction de projets locaux avec les habitants[4]. »

Il est amusant de constater que la commune de Grez-Doiceau, particulièrement concernée par les impacts négatifs de ce contournement et dont le pouvoir en place est majoritairement MR, a mis clairement en « home page » de son site une annonce concernant ce contournement.

Pourrions-nous donc en déduire que le MR wavrien et ses élus au Collège de la ville ont en fait, eux,  décidé de contourner le débat ?

Cette affaire en cache une seconde. C’est le droit reconnu à chacun de critiquer un projet soumis à l’enquête. Certains, très généralement des partisans du contournement, considèrent que seules les personnes impactées peuvent donner un avis dont il faudrait tenir compte. Beaucoup de politiques ont la même réaction.

Je pourrais déjà dire que nous pétitionnons régulièrement contre la déforestation en Amazonie ou les us et coutumes dans certains pays.

Dans un projet comme celui-ci, n’importe quel amoureux de la nature peut faire entendre sa voix contre les atteintes à des zones de grand intérêt biologique, n’importe quel adepte de la promenade peut se plaindre de la disparition de chemins et sentiers, n’importe quel agriculteur peut déplorer la perte de terres agricoles, n’importe quel citoyen wallon peut s’offusquer de la gabegie du gouvernement wallon MR-cdH (pourquoi dépenser 34 millions quand 7 millions suffirait ?). Ces gens ont autant de droit que les habitants d’une petite rue qui croient que le contournement va les sauver du trafic… Tous les citoyens ont un droit de regard et de critique des citoyens par rapport aux investissements qu’ils financent

Il est temps que certains élus comprennent exactement ce qu’est l’exercice d’une pleine citoyenneté et qu’il faut plus qu’une Apps pour avoir la démocratie à portée de la main.


Barkas




 
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